lun 04 nov. 19
Et si nous faisions le point sur la Laïcité ?
Par Françoise Simon à 22:17 - Rubrique : A propos - Lien permanent
Communiqué d'Yves ROUTIER.
Yves ROUTIER, très au fait des questions de laïcité, nous fait aujourd'hui le plaisir d'un nouvel article de fond . Nous le publions en lieu et place de celui qu'il avait rédigé en 2015.
Et si on faisait le point sur La LAÏCITE ?
Table des matières
B - La Révolution Française et ses conséquences
1. Etat et religion pendant la Révolution
2. La Restauration et la réaction cléricale
C - La Laïcité "à la Française" !
2. A propos de la Loi de séparation des églises et de l’Etat dite "Loi de 1905"
D - La Laïcité dans les autres pays
E- Le combat pour la Laïcité est-il toujours d’actualité ?
2. Attitude provocatrice d'un Islam rigoriste.
Pour beaucoup, la Laïcité semble être née de la Loi de 1905.Il est donc nécessaire de préciser les éléments fondamentaux de cette loi et de faire quelques rappels historiques en lien avec l'origine et les raisons d'être de la Laïcité.
On a coutume de considérer la Révolution française et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen comme le creuset de la Laïcité. Ce n'est pas erroné mais la Laïcité est le résultat d'un combat engagé bien avant la Révolution de 1789.
Si la Laïcité repose sur la raison critique, elle trouve ses origines…
où la pensée s'ordonne autour de deux mouvements contradictoires :
- l'un, qui exprime une certitude métaphysique...
- l'autre, qui affirme, avec Socrate, l'autonomie de la pensée individuelle.
Il faudra attendre la conversion au catholicisme de l'empereur Constantin et la fin du IVème siècle pour que le christianisme devienne la religion officielle de l'Empire et entraîne les prémices du cléricalisme chrétien.
Apparition d’un certain doute en raison du libre-arbitre exprimé par différents esprits tels que Erasme, Pic de la Mirandole, Rabelais, etc…
La réforme protestante contribue à briser le consensus autour d'une croyance indiscutable ; son apparition crée une concurrence au sein d'une même doctrine.
Puis on commence à ne plus considérer la directive politique - ou religieuse - comme l'expression d'un projet divin !
L'étape suivante est incarnée par les progrès de la science, avec Ambroise Paré, Copernic, Kepler, Galilée...qui contribuent à semer le doute et veulent prouver que la raison a sa propre capacité d'investigation.
Les hypothèses, puis les convictions remplacent peu à peu les vérités absolues.
Avec Descartes qui, au début du XVIIème siècle, partant du doute aboutira à la méthode, nous entrons dans l'esprit des Lumières !
Cette évolution de la pensée se trouve confrontée à l'autonomie de l'Etat, puissance souveraine, l'Etat qui, lui-même, avait besoin de s'affirmer et s'opposait à l'hégémonie religieuse.
Evidemment, l'Eglise ne resta pas inactive devant la montée des doutes, voire de l'incroyance.
C’est l'Inquisition installée au XIIIème siècle par le pape Grégoire pour lutter contre l'hérésie cathare, puis sa reprise au XVIème siècle pour réagir contre les déviations doctrinales.
Quiconque remet en question les textes religieux, tel Galilée, doit se soumettre et abjurer ou périr.
Cette intolérance dure jusqu'au XVIIIème siècle. C’est, par exemple, l’exécution de Calas en 1762 !
La pluralité religieuse, imposée par la Réforme rend nécessaire l'établissement d'une co-existence acceptable d'où la proclamation de l'Edit de Nantes, révoqué quelques dizaines d'années après (1598 - 1685).
Les avancées dans le domaine des idées sont de plus en plus signifiantes et pas seulement en France : Spinoza, chantre de la liberté individuelle de juger, pense les hommes "capables de concevoir un pacte politique fondateur d'une libre politique".
Voltaire et son combat en faveur de Calas exprime sa volonté "d'écraser l'infâme", à savoir le pouvoir religieux.
On pense parfois que la Laïcité, telle que nous l’entendons, est directement issue de la Révolution Française et des débats qui ont conduit à l’instauration du système républicain.
Les penseurs progressistes, les politiques, qui imaginaient de nouveaux systèmes de gouvernance pendant la première moitié du XIXème siècle, se référaient tous à ce grand moment de l’histoire de France.
Il ne faudrait toutefois pas oublier que les révolutionnaires n’avaient jamais voulu séparer les églises de l’Etat. Ils voulaient en contrôler la puissance et en faire un organe de l’Etat. Ce n’est qu’au paroxysme de la période révolutionnaire qu’ils envisagèrent sa destruction en inventant un autre culte, celui de l’Etre Suprême, dont Robespierre fut le grand prêtre… ce qui ne manque pas de piquant !
Il est indéniable que les bouleversements des principes philosophiques et des structures politiques installés lors de la Révolution française ont contribué à mettre un terme à la liaison trône-autel, ce qui a entraîné une première laïcisation de l’état-civil et celle de l’enseignement, en retirant au Catholicisme son titre de Religion d’Etat, sans que l’on puisse pour autant parler de séparation des Eglises et de l’Etat.
Ne pouvant remettre en question le Concordat napoléonien, consécutif à la Révolution Française, la Restauration entraîne dès le début du XIXème siècle une véritable réaction cléricale, en restaurant l’union trône-autel et en s’efforçant de remettre en cause les conquêtes laïques de la Révolution Française.
Ainsi, Les lois Guizot et Falloux[1] reconnaissent l’Eglise catholique et l’Etat comme seules puissances accréditées en matière d’enseignement, et permettent à l’église d’ouvrir des écoles privées.
Cette réaction cléricale, qui condamnait tout ce qui allait dans le sens du progrès et des libertés individuelles s’oppose aux évolutions scientifiques, technologiques comme sociales.
La lutte contre l’église devient alors le combat pour la liberté. L'anti-cléricalisme[2] devient synonyme de lutte pour le progrès collectif , l’émancipation individuelle, la justice sociale, et l’athéisme[3] est annonciateur de temps nouveaux.
La victoire des Républicains en 1875 et le début de la IIIème République permettent à la laïcité d’acquérir ses caractères spécifiques.
L’affrontement entre la France, fille aînée de l’Eglise catholique, et la France Républicaine, héritière de la Révolution, prend une telle ampleur que l’on pourra bientôt parler des " 2 Frances ".
Les luttes entre les congrégations religieuses, alliées aux forces réactionnaires, et les Républicains, mettent alors en danger la République, au point que le débat sur la Séparation des Eglises et de l’Etat, idée apparue avec Edgar Quinet vers 1820, s’impose.
Emile Combes, chef du gouvernement, crée et fait voter en 1901 la Loi sur les Associations, loi qui, par son application aux congrégations religieuses, entraîna le conflit et la rupture avec le Vatican.
Et c’est le même Emile Combes, connu pour sa volonté de démanteler la hiérarchie de l’église catholique, qui prépara la Loi de 1905, dont il ne fut pas le promoteur, car il dut démissionner en 1904.
Peut-on qualifier la Laïcité française de "ouverte" ou l’affubler d’un autre qualificatif ? Le terme de " Laïcité " se suffit-il à lui seul ?
La Laïcité est-elle nécessairement française, ce qui impliquerait qu’elle n’existe pas dans les autres pays ?
C’est un fait que la laïcité, telle que les Français l’entendent n’est pas comprise par nos voisins. Ils ont, pour certains, beaucoup de mal à établir une séparation entre leurs affaires temporelles et leur spiritualité. Pour des raisons très diverses, souvent liées à leur histoire nationale, ils admettent que les responsables religieux jouent un rôle dans le fonctionnement de l’Etat ou de la Cité.
En France, depuis plus de deux siècles, nous mettons en exergue les notions de Liberté et de Conscience.
Encore faudrait-il définir ce que peut être la liberté de conscience dans un Etat comme la France au XXIème siècle ! Il apparaît que la définition restrictive de cette liberté comme étant la liberté d’adhérer à une croyance religieuse ne suffit plus aux exigences du nouveau siècle. Il faudrait prendre en compte le droit de participer sans entrave aux débats politiques, philosophiques sociaux ou culturels.
La Loi de 1905 dit que " la République assure la Liberté de Conscience ", sans intervenir dans la décision de croire ou de ne pas croire, et elle veille à ce que cette liberté soit effective en assurant la liberté des cultes et la liberté de la pratique religieuse.
D’autres textes juridiques contribuent également à la garantie de cette Liberté :
- La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leurs manifestations ne troublent pas l’ordre public.
- Le préambule de la Constitution de 1946 : Nul ne peut être lésé dans son travail, son emploi en raison de ses origines ou de ses croyances.
- L’article 2 de la Constitution de 1958 : La France respecte toutes les croyances.
- Et aussi la Loi Veil de 1975 sur l’Interruption Volontaire de Grossesse qui protège les médecins et les auxiliaires de santé contre l’obligation qui pourrait leur être faite de pratiquer des IVG.
Aujourd'hui, la liberté de conscience apparaît comme la mère des libertés dans un pays comme la France parce qu'elle s'appuie sur le principe de laïcité.
- Ses promoteurs :
Aristide Briand, qui fut le rapporteur du projet, ainsi que Jean Jaurès ont modifié le projet initial et en ont fait un texte de conciliation, acceptable par les catholiques modérés.
Ils prônent le respect de la liberté de conscience et la libre expression des convictions de tous.
Emile Combes, à qui l’on doit d’avoir fortement contribué à la présentation du projet de la Loi au parlement.
Ferdinand Buisson, directeur de l’Enseignement primaire, l'un des fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme.
Jules Ferry, chef du gouvernement dans les années 1880 puis Ministre de l’Instruction publique, et pour beaucoup "personnalité, à laquelle la France doit de pouvoir s’affirmer Laïque ".
- La Loi du 9 Décembre 1905
Elle fut une Loi fondamentale créant les conditions de la pacification durable par la liberté de conscience accordée à chacun et la libre expression des convictions de tous.
La Laïcité, principe fondateur de notre République, apparaîtra dans le prologue de la Constitution de 1946 et sera repris dans le premier article de la Constitution de 1958 : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."
On constate au cours des "30 glorieuses", entre 1950 et 1980, une évolution des relations de la population avec la notion de laïcité. Le conflit laïque n’apparait plus comme la principale préoccupation. Les relations avec le religieux ne sont plus au centre de la vie des citoyens. Et les militants laïques, taxés de "laïcards", sont souvent considérés comme porteurs de valeurs dépassées.
Mais, pour autant, la politique de soutien à la dualité d’une enseignement public et privé n’avait pas disparu pour autant.
Par exemple, le vote en 1951, des lois Marie et Baranger, qui accordent des bourses aux élèves de l’enseignement privé. La loi Debré, en 1959, qui accorde un financement public aux établissements privés, mesure qui va relancer la situation conflictuelle.
Les partisans de l’enseignement public réagissent en 1960 par une gigantesque manifestation pour la suppression de ces subventions et par une pétition lancée par le CNAL[5], qui obtient 11 millions de signatures et fait croire aux militants laïques à la possibilité de créer le Service Unifié et Laïque de l’Education Nationale, projet, qui va susciter en 1984 un grand nombre de manifestations organisées par les soutiens de l’enseignement privé, si bien que Mitterrand retirera son projet, par crainte d’une politisation de la querelle scolaire.
La droite et les soutiens de l’enseignement privé, aidés par les médias avaient gagné la bataille de l’opinion publique.La question de la dualité scolaire sembla provisoirement résolue par le statu quo…
Cette période de calme apparent va être troublée à la fin des années 80 par une question, qui n’a plus rien à voir avec la concurrence enseignement public - enseignement privé, la question du port du voile islamique dans l’espace public, et en particulier dans les écoles.
En matière de laïcité, la France fut devancée par plusieurs pays, qui prirent de l’avance dans différents domaines, et principalement dans celui de l’enseignement.
Ils ont inscrit dès 1787 dans leur Constitution la notion de séparation des églises et de l’Etat.
Le premier amendement à ce texte fondateur précise : "Le Congrès ne fera aucune loi relativement à l’établissement d’une religion ou en interdisant le libre exercice."
Il est bon de rappeler à ce propos que la plupart des premiers fondateurs des Etats-Unis - ou leurs ancêtres - ont été victimes, en Europe, de persécutions religieuses, qu’ils fussent juifs, protestants ou catholiques.
…ce qui n’empêche pas le Président nouvellement élu de prêter serment sur la Bible, sans y être contraint, et à proposer comme devise "In God we trust ".
- La Laïcité en Europe
La multiplicité des relations existant entre les Etats européens et leurs églises assure à la France une place tout à fait particulière avec sa grande Loi de séparation des églises et de l'Etat de 1905.
En Belgique, c’est la Constitution du 3 novembre 1830 qui garantit la liberté de conscience et sa conséquence, la liberté religieuse. Mais malgré cela, c’est l’Etat qui prend en charge les salaires et les retraites des ministres des différentes religions et des organisations philosophiques. C’est ainsi que les organisations laïques sont sur le même pied que les six églises reconnues, les catholiques, les protestants, les anglicans et les israélites depuis 1870, les islamistes depuis 1974 et les orthodoxes depuis 1985.
Quatre autres pays européens ont laïcisé leur Etat, sans aller comme en France, jusqu'à la séparation "à la française ".
En Italie, ce sont les accords de Latran signés entre le Vatican et Mussolini qui mettent fin à une situation qui durait depuis l’unification italienne en 1855 et règlent les relations entre l’Etat italien et l’église catholique. La constitution de 1948 prévoit l’indépendance de l’Etat vis-à-vis de l’église catholique. Les rapports entre l’Etat et les autres confessions sont fixés par la loi après accords avec les responsables de ces religions.
En Espagne, la Constitution assure "la liberté idéologique, religieuse et de culte"…mais l’église catholique a un statut spécial en tant que religion de la majorité des espagnols.
Un article de la même constitution précise que les pouvoirs publics tiennent compte des croyances religieuses de la société espagnole et entretiennent des relations de coopération nécessaires avec l’église catholique et les autres confessions…
La constitution espagnole donne le droit à une éducation religieuse dans les écoles publiques ou privées.
En Bulgarie, l’église orthodoxe s’est vu reconnaître une "valeur traditionnelle" après la chute du régime communiste et participe de ce fait à tous les évènements publics, alors qu’une loi antérieure (1949) assure la liberté des cultes et donne au gouvernement des pouvoirs étendus de contrôle sur les religions !!!!
En République Tchèque, la Charte des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales assure une séparation des églises et de l’Etat … mais il serait question d’autoriser l’Etat à financer les principales églises, au nombre de 21.
Dans les autres pays européens, le poids de l’histoire et des traditions politiques fait une place particulière aux églises et à leurs institutions.
En Grande Bretagne, l’église anglicane a pour "gouverneur" la Reine qui nomme, sur proposition du premier Ministre, les archevêques et les évêques, dont un certain nombre siègent à la chambre des Lords.
La liberté religieuse existe en Grande Bretagne depuis le XIXème siècle.
La devise du royaume est "Dieu est mon droit ".
Au Danemark, l’église évangélique luthérienne apparait dans la Constitution de 1953 comme l’église nationale et comme service public de l’Etat. Son clergé est fonctionnarisé. Elle bénéficie d’un impôt spécifique, dont seuls les contribuables qui déclarent ne pas appartenir à cette église sont dispensés. Le Danemark admet les autres cultes et affirme la liberté de religion.
En Irlande et en Grèce, ce sont les luttes pour l’indépendance qui ont affirmé des positions particulières.
L’occupation de l’Irlande par l’Angleterre protestante pendant cinq siècles a fait de l’église catholique un lieu de refuge et d’identité, ce qui explique son statut dans le système éducatif, la morale familiale et sexuelle, d’où l’absence, aujourd’hui encore, de loi sur l’IVG et le divorce.
En Grèce, la Constitution reconnait à l’église orthodoxe "une position dominante". Dans les écoles, à l’armée et dans les tribunaux, les prières sont obligatoires. Les membres du clergé de cette église sont des fonctionnaires et, malgré la proclamation de la liberté de religion, ils disposent d’un droit de veto pour la construction d’un lieu de prière, quel que soit le culte.
On retrouve dans cette relation particulière entre la population grecque et l’église orthodoxe l’influence des traditions ottomanes et de cinq siècles d’occupation.
En Allemagne les églises passent des accords avec l’Etat fédéral ou les Länder (les Régions) pour tout ce qui concerne leur organisation. Elles perçoivent 10% de l’impôt sur le revenu si les contribuables le souhaitent. Ces derniers signalent sur leurs déclarations à quelle église ils appartiennent.
Aux Pays Bas, c’est encore l’histoire qui a construit les relations entre la puissance publique et les églises. L’occupation espagnole aux XVème et XVIème siècle a conduit le calvinisme à être l’élément constituant l’unité des peuples des Pays Bas. L’indépendance du Pays au XVIIème siècle (1648) a fait de ce pays un refuge pour tous les persécutés pour raison religieuse.
Aujourd’hui la liberté de religion est totalement reconnue, même si les communautés religieuses jouent un grand rôle dans la société batave.
En Pologne, le poids de l’histoire est encore plus marqué… la chrétienté et l’église catholique ont été le ciment de l’unité du peuple polonais, face aux nombreuses invasions comme celle des Tsars de Russie au XIXème siècle qui voulaient imposer l’église orthodoxe.
L’occupation nazie puis soviétique de 1939 à 1989 font de l’église catholique un lieu de refuge et un symbole de Liberté. Le syndicat "Solidarnosc" (Solidarité) bénéficie de ce soutien, renforcé par le Pape Jean Paul II d’origine polonaise.
La constitution polonaise (rédigée en 1997 par des communistes et ratifiée par un concordat en 1998) est placée sous l’égide de Dieu.
La Slovaquie et la République Tchèque font référence à un héritage religieux
Malte est le seul Etat où l’église catholique est religion d’Etat.
La multiplicité et la diversité des relations entre les Etats européens a incité les gestionnaires de la Communauté Européenne à rechercher une formulation acceptable de tous les Etats. Après de longs débats, la formule retenue dans le Traité Constitutionnel de la Communauté Européenne fait apparaître les héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe.
Non, si l’on considère que la Laïcité ne concerne que le combat mené par ses défenseurs à la période, où ce concept est apparu, combat mené pour affranchir l’homme des contraintes du principe d’une autorité d’obédience cléricale. Ce combat fut très virulent en particulier dans le domaine de l’enseignement jusqu’à la Loi de Séparation des Eglises et de l’Etat qui, après une période conflictuelle de plusieurs décennies, fut reconnue comme une loi d’apaisement.
Oui, si l’on se réfère aux divergences d’interprétations d’un évènement apparemment banal survenu très récemment : l’accompagnement lors d’une sortie scolaire par une mère d’élève voilée…, évènement qui a entraîné une succession de prises de position contradictoires, depuis le chef d’établissement et le Ministre de l’éducation nationale jusqu’aux représentants des différents partis politiques…, de la Gauche extrême à la Droite tout aussi extrême !
Alors que jusqu’alors les questions concernant la laïcité évoluaient dans un contexte politique, elles se trouvent maintenant transposées sur le plan idéologique et culturel.
Avec le problème du voile islamique, qui marque le début des revendications de l’islam, la question de la laïcité va se reposer dans un contexte nouveau où s'exprime la peur de voir l'identité française menacée par l’immigration en général, et par l’Islam, ses traditions, ses exigences en particulier.
La conception française de la Laïcité, nous l’avons vu, n’est pas comparable à celle d’autres états – et notamment anglo-saxons- qui ont opté pour le primat de l’individu sur la société en matière de comportements religieux.
Lorsque le problème du voile à l’école apparaît pour la première fois, en 2004, la décision du Conseil Constitutionnel ne règle pas le problème d’une façon claire.
La deuxième étape, si l’on peut dire, concerne, en 2010, l’interdiction de se couvrir le visage dans l’espace public.
Ajoutons un certain nombre de revendications et d’interdits en milieu scolaire concernant certaines matières scolaires, scientifiques, sportives, mais aussi les habitudes relationnelles comme les cours mixtes.
Pour revenir au domaine vestimentaire, citons le Burkini, apparu en 2016. Ce vêtement de plage, présenté comme le témoignage d’une pratique religieuse rigoriste, alors qu’il est contesté dans la plupart des pays musulmans, fut plus ressenti comme un comportement provocateur, traduisant de façon ostentatoire une vision politique de la religion.
Si nous refusons ce type de comportement, c’est que nous affirmons la prééminence de la loi des hommes sur la loi religieuse.
Ajoutons également, et ce sera d’ailleurs la position des juges, qui se sont également placés sur le terrain des droits de la femme, que les femmes qui portent le burkini de leur plein gré, ne peuvent ignorer qu’elles se rendent complices des radicaux, qui entendent les rabaisser.
Nous nous opposons à toutes les expressions d’un communautarisme, qui est pour nous un ferment de division, et considérons que la Laïcité est le marqueur d’une organisation sociale qui protège l'unité de la collectivité contre ceux qui aspirent à la diviser.
Yves Routier, Membre du C.A de l’Amicale Laïque de Château-Thébaud
Octobre 2019
[1] La Loi Guizot -1833- impose à chaque commune d’ouvrir une école primaire publique. La Loi Falloux -1850- instaure la liberté de création d’établissements d’enseignement privés.
[2] Anti-cléricalisme : terme apparu en 1852, soit bien avant le terme laïcité (1872). Il exprime le refus de voir l’église intervenir dans la vie publique. Le combat laïque français porte l’empreinte de l’anti-cléricalisme
[3] Athéisme : Attitude philosophique qui, au nom de la raison, affirme l’inexistence de Dieu.
[4] Les informations concernant la Loi de 1905, ses promoteurs et l’histoire du conflit enseignement public-enseignement privé des années 1950 à 1984, ont été empruntées au texte d’une conférence sur la Laïcité faite à Château-Thébaud par Pierre Tournemire, membre du bureau national de la Ligue de l’Enseignement.
[5] CNAL : Comité National d'Action Laïque
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